Photographe et enseignant-chercheur, depuis une quinzaine d'années, l’Italien Nicola Lo Calzo interroge les parallèles entre les expériences queers et décoloniales. De Sao Tomé à Haïti, de la Sardaigne au Bénin en passant par la Guyane, Cuba ou la Louisiane… Voyage aux marges de l'Histoire.
Né en 1979 à Turin, Nicola Lo Calzo aurait pu devenir architecte paysagiste mais le voilà photographe et enseignant-chercheur à l'École Nationale Supérieure d'Arts de Paris-Cergy et Cergy-Paris Université.
Altérité, identité, intersectionnalité et post-colonialité sont les sujets qui l'animent depuis dix ans et ses travaux ont déjà été exposés dans le monde entier, de l’Italie au Mexique en passant par le Nigeria ou encore les Pays-Bas. Nominé au Prix Élysée 2019 et finaliste du prix Niepce en 2020, dans ses travaux, Nicola Lo Calzo met en parallèle le marronnage et l’expérience queer qu'il identifie comme des pratiques de résistance mais aussi de clandestinité, deux zones de pénombre et de dissimulation, deux zones d'auto-émancipation aussi. Les liens entre marronnage et expérience queer sont aussi les moteurs d’un projet au long cours : le projet KAM, soit huit séries photographiques autour des mémoires de l’esclavage et de ses résistances dans les sociétés postcoloniales. Un projet qui, depuis son lancement en 2010, a déjà mené Nicola Lo Calzo des rivages de l’Afrique de l’Ouest aux périphéries de Port-au-Prince à Haïti, en passant par les Mornes de la Guadeloupe, les quartiers oubliés de la Nouvelle-Orléans, les rives du fleuve Maroni en Guyane ou encore les faubourgs de Santiago de Cuba.
Depuis son arrivée à Paris en 2005, Nicola Lo Calzo photographie régulièrement son entourage, sa « queer family » : militant·es, activistes de la lutte contre le sida ou encore artistes du milieu de la nuit parisienne... Une famille choisie composée de destins communs et d’individualités très fortes. Ainsi est né le projet Lyannaj («faire lien, allier ou rallier» en créole) qui, à travers un prisme intersectionnel, donne à voir les pratiques de soin et de résistance qui s’organisent en région parisienne et en outre-mer.
En 2021, Nicola Lo Calzo publie Binidittu (L'Artiere éditions), soit le résultat de trois ans d'enquête en Sicile sur l'histoire de Biniditttu, c'est ainsi qu'était surnommé l’ermite Saint Benoît le More, fils d’esclaves africains né en Sicile au XVIème siècle et canonisé en 1807, devenant ainsi le premier saint noir de l’Église Catholique. Ici, le Saint-Patron de Palerme permet à Nicola Lo Calzo de déployer une réflexion plus vaste sur l’accueil des migrants sur les côtes de «mare nostrum», la Méditerranée.
Escale également à Sao-Tomé-et-Principe, cet archipel du golfe de Guinée réputé pour ses forêts tropicales, ses plages magnifiques, sa chaîne de volcans. Une « île du bout du monde » colonisée dès 1471 par les Portugais qui y ont mis en place une sorte de laboratoire de l’esclavage qui allait conduire à la déportation de millions d’Africains vers les Amériques. Aujourd’hui, à Sao-Tomé-et-Principe, se perpétuent des rites et des traditions théâtrales héritées des premiers colons qui avaient fait venir des comédiens européens pour distraire les esclaves du travail dans les plantations de canne à sucre. Le «tchiloli» et le «danço congo», des rites autant que des héritages immatériels complexes redécouverts à la faveur du mouvement de décolonisation et de l’obtention de l’indépendance par Sao Tomé, en 1975. Et c'est tout l'objet de l'enquête qu'y a mené Nicola Lo Calzo, à retrouver prochainement dans un livre intitulé Tragedia.
En savoir plus :
► Le site web de Nicola Lo Calzo